Diagnostic et prise en charge du malaise

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Dans la première année de vie, les malaises sont un motif de consultation de plus en plus fréquent chez les praticiens de ville ou à l’hôpital. La diversité de leur expression clinique et l’angoisse qu’ils suscitent légitimement rendent souvent bien difficile l’évaluation de leur gravité et donc de leur prise en charge.

 Le terme de malaise recouvre de nombreux symptômes différents : accès de pâleur, cyanose, difficultés respiratoires, mouvements anormaux, pouvant s’accompagner de troubles de la conscience. Tous ces éléments, avec une échelle de gravité assez étendue, donnent pour les plus graves l’impression d’une mort imminente.

L’expérience de l’hôpital Port-Royal, comme celle d’autres équipes hospitalières et/ou de centres de références de mort subite du nourrisson, permet de souligner le possible ou probable lien entre malaise et mort subite du nourrisson puisque certains enfants vont décéder après avoir fait au préalable un ou plusieurs malaises.

Malaises et a fortiori malaises récidivants, sont des situations à ne jamais négliger.

Soulignons la difficulté que l’on a souvent à évoquer, dans les formes modérées, le diagnostic de malaise, que ce soit par excès ou par défaut.

L’écoute de la famille ou des personnes ayant assisté à l’évènement est primordiale.

Elle est d‘autant plus difficile quand le médecin qui conduit l’interrogatoire n’est ni le médecin de famille, ni le pédiatre habituel de l’enfant.

Le diagnostic, puis le pronostic, incluant les complications immédiates secondaires ou leur récidive, seront portés après un bilan clinique et des examens complémentaires orientés par ce témoignage.

Repérer des signaux particuliers (cris, pleurs, hyperthermie, etc..) peut être d’une aide fondamentale, mais n’est pas toujours facile à extraire d’un contexte a priori banal.

A une époque où la mort subite du nourrisson reste un problème de santé publique et où les malaises du nourrisson prennent une importance croissante, il est nécessaire d’essayer de faire le point concernant la prise en charge de ces situations.

Prise en charge immédiate

Devant des signes cliniques aigus, inattendus et angoissants, deux situations peuvent se présenter chez le nourrisson faisant un malaise :

La régression des signes est spontanée, rapide, rassurante, et ne semble pas justifier aux yeux de ses parents une consultation immédiate.

C’est parfois une récidive du malaise qui entraîne une demande d’avis médical plusieurs jours ou semaines après le premier épisode ;

Le malaise est grave et inquiétant. La situation est celle d’une urgence vitale.

Des manœuvres de stimulation vigoureuse, voire de réanimation (massage cardiaque, bouche à bouche) s’avèrent être nécessaires. Il faut, dans un temps bref, faire appel au SAMU ou aux pompiers pour un prise en charge la plus efficace possible et un transfert rapide à l’hôpital.

Physiopathologie des principaux signes cliniques

 La pâleur traduit un trouble hémodynamique, conséquence d’une insuffisance circulatoire ou d’un dysfonctionnement cardiaque par cardiopathie ou anomalie de la régulation neurovégétative.

La cyanose est le signe d’une hypoxie sanguine, conséquence :

-          d’une anomalie de la diffusion alvéolocapillaire ;

-          plus rarement, d’une anomalie du transport de l’oxygène ;

-          de l’existence d’un shunt intracardiaque droit-gauche ;

-          d’une cyanose sans hypoxie par ralentissement circulatoire.

Les difficultés respiratoires, blocpnées ou apnées, peuvent être de deux origines :

-          une pause respiratoire inférieure à 20 secondes est considérée comme physiologique. En revanche, une apnée supérieure à 20 secondes est pathologique. Elle peut être d’origine centrale (tronc cérébral, cortex) ;

-          ou une apnée obstructive. Le tableau en est une situation de « lutte ». L’air ne peut passer au niveau des voies aériennes supérieures, alors qu’il existe des mouvements respiratoires souvent violents, de tous les muscles qui peuvent être mis en jeu (diaphragme, intercostaux, abdominaux, sterno-cleïdo-mastoïdiens, etc..). Le bloquage peut se situer à tous les étages des voies aériennes supérieures ou inférieures.

Les mouvements anormaux traduisent une souffrance cérébrale qui peut être secondaire à une anoxie, une ischémie, une hémorragie, une hypertension intracrânienne, voire même une hypertension artérielle.

Eléments de diagnostic

 Quel que soit la gravité du malaise, la période aiguë passée, un bilan clinique et paraclinique s’impose, afin d’en apprécier la répercussion immédiate, d’orienter la prise en charge, et de repérer les facteurs de risque de récidive.

Un long entretien minutieux avec la famille est nécessaire, même s’il est parfois difficile dans un contexte d’affolement : il permettra de préciser les caractéristiques du malaise et le conteste dans lequel il est survenu, ces éléments étant à analyser ensuite en fonction des antécédents personnels et familiaux.

Caractéristiques du malaise 

 Elles se définissent par son type, sa durée, son intensité et son évolution immédiate.

Contexte de sa survenue

 Il faut chercher à préciser :

-          le comportement de l’enfant dans les heures qui ont précédé : apathie, agitation, pleurs inhabituels ;

-          le lieu de survenue : dans sa chambre, dans une autre pièce de l’habitation habituelle, dans son bain, ou à l’occasion d’un déplacement chez des amis, dans la famille, en voiture, chez la nourrice, à la crèche. Les changements de lieu de vie, mais aussi du mode de garde sont toujours des circonstances à prendre en compte ;

-          les conditions climatiques et le couchage ;

-          l’horaire par rapport au repas : pendant une « fausse route », au cours d’un rot, d’un vomissement, d’une régurgitation, ou à distance ;

-          La notion d’hyperthermie ou d’infection en cours ;

-          l’existence d’une vaccination récente ;

-          l’existence éventuelle de médications, en particulier antithermiques, antalgiques et antitussives, peuvent contenir des molécules ayant un impact sur les centres respiratoires (phénothiazine et codéine sont contre-indiqués chez les nourrissons).

Antécédents personnels

-          Le déroulement de la grossesse et de l’accouchement, une éventuelle pathologie périnatale.

-          Les antécédents de malaise plus ou moins identiques, des changements de teint, des signes cliniques évoquant un reflux gastro-œsophagien (RGO), des troubles respiratoires, de sueurs fréquentes, une odeur particulière (informations transcrites dans le carnet de santé).

-          La courbe statupondérale, le développement psychomoteur.

-          Le mode d’alimentation, la façon de boire.

-          Le comportement général de l’enfant, son rythme veille-sommeil.

-          Enfin, ne jamais négliger d’évaluer la qualité de la relation mère-enfant et l’intégration de l’enfant dans l’organisation familiale.

Antécédents familiaux

-          Une consanguinité, des maladies familiales, un terrain particulier vagotonique (spasmes du sanglot, syncopes), atopique, des convulsions ou des malaises non étiquetés.

-          Des antécédents de mort subite dans la fratrie ou dans la famille proche.

Enfin, le contexte psychosocial, avec en premier lieu une suspicion de maltraitance, ou autres enfants placés, un bas niveau socio-économique, le chômage, des pathologies psychologiques, voire psychiatriques chez les parents ou les proches, une mésentente du couple, une grossesse non désirée, mais aussi des antécédents gynéco‑obstétricaux (avortement spontané, stérilité, interruption volontaire de grossesse, enfants mort-nés, accouchements prématurés, hypotrophes, etc), tout ce qui peut mettre en péril l’équilibre familial comporte un risque de répercussion sur l’enfant.

 

O. de Bethmann, M. de Ajuriaguerra et JP Relier. Article publié dans l’Encyclopédie Pratique de Médecine AKOS
(8-0170, 1999, Malaises du nourrisson : diagnostic et prise en charge).